La route entre San Pedro et Calama est plutôt monotone... Du sable, des montagnes, parfois un chemin qui mène sans doute quelque part et deux ou trois touffes d'herbes... Rien de plus. Alors quand, au milieu de la vallée de la Patience, on aperçoit une sorte de muret, il y a de quoi s'interroger.

 

Trop bas pour être une habitation, trop éloigné des zones d'élevage pour être un enclos... A chaque voyage à Calama, la question de ce muret revenait sur le tapis.

Lasse, j'ai fini par poser la question à un ami chilien francophone, guide à San Pedro. Il m'a alors annoncé tout de go que ce n'était pas un muret mais un chien...

 

Un chien dessiné en pierre sur le sol visible seulement du ciel : un géoglyphe.

 

Route calama 1

La ressemblance avec le chien n'est pas flagrante... et d'ailleurs vérification faite, il s'agit de la reproduction d'un lama à deux têtes gravé sur les parois rocheuses de Hierbas Buenas

 

En cherchant le toutou sur google map (site internet de cartographie et de vues satellites), j'ai découvert un autre géoglyphe, plus grand et dessiné plus loin de la route : un chaman atacamène.

Route Calama 2

 

Si on ne connaît pas le nom des auteurs des géoglyphes de San Pedro, on sait toutefois qu'ils ont été réalisés très récemment et leurs tailles ne témoignent pas de prouesse technique particulière. Aucun mystère n'entoure donc notre lama à deux têtes et notre chaman : ce n'est pas le cas de tous les géoglyphes...

 

Qu'est ce qu'un géoglyphe ?

 

Le mot géopglyphe vient du grec géo : terre et glyphe : représentation graphique. C'est donc une image ou un signe fait sur la terre avec les matériaux de la nature.

 

Il y a deux façons de dessiner un géoglyphe :

- en positif (ou en relief), en entassant des pierres, des graviers ou de la terre pour dessiner les contours,

- en négatif, en creusant la terre, la pierre ou la végétation pour faire apparaître le sol d'une couleur différente.

 

Dans les deux cas, le géoglyphe ne peut être vu qu'à bonne distance. Trop grand pour être distingué lorsqu'on est a proximité, il est dessiné sur le flanc d'une colline (pour être vu de loin) ou sur une surface plane (pour être vu du ciel).

 

A ne pas confondre avec les agroglyphes, fait également pour être vus du ciel, mais réalisés dans des champs de culture (appelés aussi crop circles)

 

Du Chili au Royaume-Uni en passant par le Pérou, l'Australie et l'Amérique du Nord, partons pour un tour du monde des géoglyphes et de leurs mystères !

 

El Gigante de Atacama 

Plusieurs milliers de géoglyphes ont été répertoriés dans le désert d'Atacama. Le plus connu d'entre eux est le Géant d'Atacama. Situé dans le nord du Chili, à moins de 100 kilomètres de la ville d'iquique sur la colline Sierra Unida, il est visible du sol, pour peu qu'on s'en éloigne un peu.

 

Gigante de Atacama

Localisation : désert d'Atacama - Chili

sur le tracé du chemin de l'Inca

 

Représentation : un chaman atacamène

 

Technique : négatif

 

Dimension : 90 mètres de hauteur

 

Date de création : entre 600 et 1500 après JC

 

Origine : inconnue

Image google map  

 

 

The Serpent Mound

Le tertre en forme de serpent trouvé dans l'Ohio n'est pas le seul tertre artificiel des Etats-Unis. 120 tertres coniques et des effigies animales ont été retrouvés sur tout le territoire américain. Ils sont attribués aux "mounds builders" (batisseurs de tumulus), un ensemble de peuples amérindiens disparus avant l'arrivée des européens. Parmi ces peuples, on compte les Adenas, puis plus tardivement les Fort Ancient, tous deux susceptibles d'avoir construit le Serpent Mound.

 

serpent mound 2 190511

Localisation : sud de l'Ohio - USA 

Représentation : un serpent 

Technique : positif, construction d'un tertre 

Dimensions : 411 mètres de long,

environ 7 mètres de large, 1,5 mètres de hauteur

Date de création : Entre 800 av Jc et 500 ap JC 

ou entre 1000 et 1550 après JC

Origine : Culture Adena ou culture Fort Ancient

Image The Watcher Report  

 

 

L'Homme de Marree

L'Homme de Marree (ou Géant de Stuart) est le plus grand géoglyphe connu. Découvert en 1998 par un pilote d'avion, il semble récent. Aucune des personnes ayant assisté à sa réalisation ne s'étant manifestée, la date de sa création et ses auteurs restent inconnus. 

Pour les membres de la tribu aborigène Dieri, l'Homme de Marree appartient au Temps du rêve (ère qui précède le temps, avant que la Terre ne soit créée, une période où tout n'était que spirituel et immatériel). Le site a donc été fermé pour le protéger.

Les officiels, eux, ont une autre version : la ministre de l'environnement a qualifié le géoglyphe de vandalisme environnemental et le directeur des affaires aborigène d'Australie-Méridionale, de graffiti !

 

Marree man

Localisation : Finnis Springs - Australie Méridionnale

 

Représentation : un aborigène chassant

à l'aide d'un bâton à lancer

 

Technique : négatif

 

Dimensions : 20 à 30 centimètres de profondeur,

35 mètres de large, 4,2 kilomètres de longueur

 

Date de création : Inconnue

 

Origine : Inconnue

Image Wikipédia  

 

 

Le cheval blanc d'Uffington

Le cheval blanc d'Uffington n'est qu'un exemple parmi la dizaine de chevaux de craie qui jalonne les collines de la région, mais est très probablement le plus ancien d'entre eux. Le sol riche en calcaire de l'endroit se prête particulièrement bien à ce genre de création puisqu'il suffit de retirer la couche d'humus pour que ressorte le blanc de la craie.

Les origines du cheval d'Uffington sont incertaines et plusieurs hypothèses se sont succédées. La datation la plus récente démontre néanmoins que le cheval aurait été tracé aux environs de l'an 1000 av JC, sans doute en hommage à la déesse celte Epona. 

 

Uffington-White-Horse-sat

Localisation : Compté d'Oxfordshire - Angleterre

 

Représentation : un cheval

 

Technique : négatif

 

Dimension : 123 mètres de longueur

 

Date de création : incertaine

 

Origine : incertaine

Image wikipedia  

 

 

Las lineas de Nazca

Les lignes de Nazca est l'ensemble de géoglyphes le plus connu au monde. Le site est d'ailleurs classé patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1994. Plus de 350 dessins, lignes et formes géométriques ont été recensés sur une superficie de 500 km2

Le sol sur lequel ils se dessinent est couvert de cailloux que l'oxyde de fer a coloré en gris. En les ôtant on fait apparaître un sol plus clair, découpant le contour des images.

(Re)découvert en 1926 au sud du Lima (Pérou), ils ont fait l'objet de nombreuses recherches et attirent toujours l'attention des scientifiques qui, régulièrement, émettent de nouvelles théories à leur sujet. 

Paradoxalement donc, ce sont les géoglyphes de Nazca que nous connaissons le mieux (période de réalisation, auteurs, etc...) qui soulèvent le plus de questions. 

 

Nazca-lineas-perro-c01

Localisation : Province de Nazca - Pérou

 

Technique : négatif

 

Dimension : Plus de 350 géoglyphes répartis sur 500 km2

 

Date de création : Entre 400 et 650 après JC

 

Origine : Civilisation Nazca

Le chien de Nazca Image Wikipédia  
Nazca-lineas-arana-c01 NazcaLinesMonkey
L'araignée de Nazca Image Wikipédia Le singe de Nazca Image Wikipédia

Nazca colibri

Le colibri de Nazca Image Wikipédia

 

 

Pourquoi les géoglyphes intriguent les scientifiques ?

 

Comme vous avez pu le constater lors de notre tour du monde des géoglyphes, de nombreuses questions restent en suspend concernant ces dessins. Dans à peu près tous les cas, les scientifiques en sont toujours à émettre des hypothèses pour tenter de savoir : qui, quand, comment et pourquoi...

 

Qui ? La plupart des géoglyphes ont été créés avant l'invention de l'écriture et avant l'invasion de peuples qui connaissait l'écriture. Nous ne disposons donc d'aucun témoignage retraçant la construction de ces formes gigantesques.

 

Quand ? Sans témoignage écrit, il reste la datation au carbonne 14 des matières organiques qui seraient retrouvées à proximité des géoglyphes.

Si ces géoglyphes ont traversé les âges et nous sont parvenus, c'est en grande parti grâce à leurs situations géographiques (on peut très bien imaginer que de nombreux géoglyphes aient disparu depuis leur création). Dans les zones habités, les dessins ont été repérés depuis longtemps et entretenus par les habitants successifs de l'endroit. Dans les zones désertiques, c'est le climat et la faible érosion qui ont sauvegardé les dessins.

Ce sont ces mêmes facteurs géographiques qui posent problème aux scientifiques.

Soit le géoglyphe se trouve dans une zone qui a toujours été habitée, donc polluée par les matières organiques d'autres époques (c'est le cas du serpent Mound et du cheval d'Uffington), soit le géoglyphe se trouve dans une zone désertique... sans matière organique à étudier (comme à Nazca ou dans l'Atacama).

 

Comment ? C'est LA grande question que soulève les géoglyphes. Certains des animaux de Nazca sont construits à cheval sur des collines ou sur un terrain très accidenté, pourtant, vus du ciel, aucune déformation n'est visible et les formes gardent des proportions parfaites.

Les chercheurs cherchent toujours... Pour l'anecdote, en 1975, un américain et un aéropostier anglais ont tenté d'expliquer cette prouesse en construisant une petite mongolfière avec les moyens dont disposaient les Nazcas à l'époque. Le ballon est monté à 90 mètres avant de s'écraser violemment à terre. Les deux aventuriers ont failli se tuer... La théorie a été abandonnée.

 

Pourquoi ? Là encore beaucoup d'hypothèses ont été (et sont toujours) émises... Presque toujours, les formes représentées sont des animaux du panthéon de la mythologie locale. L'hypothèse la plus couramment admise est donc que les géoglyphes ont été créés pour rendre hommage aux dieux habitants les cieux.

C'est dans le cas de Nazca que les hypothèses se diversifient : calendrier astronomique, système d'irrigation, carte des sources et puits de la région, site de prévention anti-sismique, carte du ciel, etc... Personne n'a pu jusqu'à présent authentifier l'une d'elles.

 

Certains, fatigués d'attendre les réponses échafaudent des théories très intéressantes sur la visite d'extra-terrestres ou sur la communication des humains avec des communautés d'autres planètes (nous ne dévelloperons pas ces théories ici, mais si ça vous interesse vous n'aurez aucun mal à trouver de nombreux site internet consacrés au sujet).

 

Land Art, délires sur la toile et publicité...

 

Les artistes revendiquant la paternité du Land Art peuvent donc aller se rhabiller... Né dans les années 60 aux Etat-Unis, ce courant se caractérise par l'utilisation de la nature comme lieu de travail et d'exposition. Loin des musées et des galeries d'Art, les artistes se réclamant du Land Art refusent la marchandisation de l'art en créant des oeuvres plus ou moins éphémères.

Les premiers d'entre eux vont façonner et modifier les paysages désertiques du Nord Ouest américain pour créer leurs oeuvres : des géoglyphes modernes.

 

spiral jetty big

Spiral Jetty, une oeuvre de Robert Smithson réalisée sur les rives du Great Salt Lake dans l'Utah (USA)

 

Depuis quelques années, les géoglyphes sont de nouveaux au coeur de l'activité artistique... et publicitaire !

Grâce aux sites internet permettant de voir la Terre vue du ciel, de nombreux géoglyphes préhistoriques ont été redécouverts. Mais cette nouvelle technologie a aussi donné des idées à certains, plus ou moins bonnes, il faut l'avouer. Certains artistes ont créer de nouveaux géoglyphes (comme sans doute le chien et le chaman de la route de Calama), des petits marrants ont fait passer des messages, et les marques ont trouvé un nouveau support de marketing !

 

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Empreinte digitale Image Google Map

 

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Etoile dans le désert Image Google Earth

 

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Logo Coca Cola Image Google map

 

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Déclaration d'amour Image Google Map

 

 

 

 

Tag(s) : #Histoire

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