* Jeu de mot entre les mots espagnols "enferma" (malade) et "farmacía" (pharmacie).

 

Vu par la rédaction du Guanaco Express dans la rue principale de San Pedro de Atacama, petit village peu habitué aux messages socialement engagés...

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Sur le mur de cette pharmacie, on peut lire : "Seule une société malade peut avoir autant de pharmacies."

 

Pour ceux qui aurait déjà fait un séjour au Chili, il est toujours étonnant de voir des pharmacies à tous les coins de rues des grandes villes chiliennes...
Le Chili compte environ 2.500 pharmacies dans tout le pays, soit 1 pharmacie pour 6.900 habitants. Nous sommes donc bien loin des chiffres en France : environ 1 pharmacie pour 3.000 habitants. Le Chili est d´ailleurs le pays d´Amérique latine ayant le moins de pharmacie par habitant... Alors pourquoi cette étonnante impression de voir une pharmacie tous les 50 mètres dans les villes chiliennes, notamment dans la capitale Santiago...?

Si l´on va un peu plus loin dans nos recherches et notre digression, on apprend que la région métropolitaine (soit la capitale Santiago, et les alentours de Valparaiso et Viña del Mar) concentre la moitié des pharmacies du pays, soit 1 pharmacie pour 5.954 habitants, alors que un peu moins de 40% de la population chilienne vit dans cette région. En terme de comparaison, la région de Aysén dans le sud du pays compte seulement 1 pharmacie pour 14.622 habitants. Les études réalisées montrent clairement que les villes chiliennes qui ont le plus de pharmacies par habitant, sont essentiellement les villes les plus riches. 96 communes du pays (sur 346 au total) ne comptent pas de pharmacie sur leur territoire.

 

Répartition des pharmacies à Santiago.

On y remarque une concentration certaine des pharmacies dans "l'hyper centre" de la capitale (quartiers aux revenus élevés de Vitacura, Providencia, Nunoa y Las condes au nord-est) et sur les grands axes d'accès à la capitale.

Plus on s'éloigne du centre et que l'on va vers les quartiers populaires, moins la concentration est importante.

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En France, c'est l'ARS (Agence Régionale de Santé) qui régit la création et l'implantation de pharmacies sur le territoire. L'installation d'une nouvelle pharmacie est soumise au recensement de la population de la commune : 1 pharmacie par tranche de 4.500 habitants. L'ARS peut imposer au pharmacien une distance minimale vis à vis de la pharmacie la plus proche et le quartier de la commune où peut être installée la nouvelle pharmacie.

 

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Répartition des pharmacies dans la ville de calama.
Encore une fois, la plupart des établissements se situent dans le centre,
délaissant les quartiers périphériques.
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Le Chili n'est vraiment pas réputé pour la juste répartition de ses richesses au sein de sa population. Bien au contraire ! Sa croissance annuelle moyenne du PIB a été de 5,2 %, et même de 8,3 % entre 1990 et 1997, alors qu'il est placé au 15ème rang mondial des pays par inégalité de richesse. À la fin des années 2000, le Chili avait le plus haut coefficient de GINI* des pays de l'OCDE.

Cette grande inégalité de revenu entre les différentes couches sociales de la population chilienne, ajoutée à un marché du médicaments non régulé par l'État, entraine des grandes inégalités d'accès aux soins et aux traitements médicamenteux. Pendant la dictature du général Pinochet (années 80 et 90), les pharmacies sont devenus autonomes vis à vis de l'institution sanitaire publique. Elles deviennent alors un commerce comme tous les autres, régit par les seules lois du marché : aucune réglementation sur le prix des médicaments, aucune répartition territorial réfléchie pour garantir un meilleur accès pour tous (les pharmacie s'installant en fonction du pouvoir d'achat des habitants environnant), abandon de la création d'un laboratoire pharmaceutique national, et concentration de plus de 90% de la vente des médicaments autour de 3 grandes chaînes de pharmacies qui ont ciblé leur commerce sur les produits les plus rentables à la vente tels que les cosmétiques, les produits de régime, etc... Ces 3 grandes chaînes ont d'ailleurs leurs propres laboratoires privés pour la production de médicaments génériques. Tout bénef quoi !

Une des études sur la question de la consommation de médicaments des ménages chiliens révèle que pour un foyer de moyenne classe à classe supérieur, les dépenses en médicaments représentent environ 2% du budget du foyer ; tandis que pour un foyer modeste à très modeste ces dépenses peuvent atteindre jusqu'à 12% du budget de la famille.

 

* GINI : Indice de l'OCDE (Organisation de coopération et développement économiques) mesurant le degré auquel la répartition des dépenses de revenu ou de consommation des ménages particuliers au sein d'une économie s'écarte d'une répartition parfaitement égale. Plus l'indice est élevé, plus la répartition des revenus est inégalitaire.

 

Il y a à peine 1 an, San pedro de Atacama ne possèdait qu´une seule pharmacie (une botica qui n'appartient à aucune chaîne nationale) pour une population estimée à environ 7.000 habitants, donc tout à fait dans la moyenne nationale... Le village en compte désormais 3, dont 2 appartenant à de grandes chaînes nationales...

La grande affluence touristique du village de San Pedro de Atacama, et l'importante demande en terme de produits para-pharmaceutiques (crème solaire, crème hydrante et produits de soin corporels en tout genre) explique largement l´installation de ces 2 grandes chaines de pharmacie. Difficile de croire que cela serait pour améliorer l´accès des habitants du village aux médicaments... Mais plutôt pour profiter d´un marché économique prometteur, car avec sa population sans cesse croissante, le village ne compte toujours pas d´hôpital, mais uniquement un dispensaire, sans aucune installations chirurgicales. Un gros pépin et le malheureux doit être transporté en ambulance direction la ville de Calama à 1h30 de route (pas non plus d´hélicoptère pour les urgences...). Si la priorité était la santé des gens, San Pedro de Atacama compterait certainement un hôpital, et ces 3 pharmacies ne se concentreraient pas dans un même rayon de 150 mètres...

 

En bref, au Chili il y a plutôt moins de pharmacies qu'ailleurs, c'est simplement qu'elles sont plus regroupés qu'ailleurs, du fait d'une non-réglementation des pouvoirs publics et un développement régit principalement par les seules lois du marché et du profit commercial... Un marché de près de 731,5 milliards de pesos (soit 1,463 milliards de Dollars US) que se partagent 3 grands groupes pharmaceutiques, depuis la fabrication jusqu'à la vente au détail.

Enfermacía*, prolifération des pharmacies au Chili : Mythe ou réalité ? Digression...

Les 3 grandes chaînes de pharmacies du pays :
90% du marché à elles trois.

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